Errant à travers les divers rayonnages de l'épicerie, Adrian glissait dans son panier deux ou trois petites choses dignes du membre de la gente masculine qu'il était. Comme tout mec laché dans un endroit dans le devoir de choisir les victualles supposées composer son repas du soir, le jeune homme n'avait absolument aucune idée de ce qu'il pourrait bien acheter, et se contentait donc de jeter négligemment des produits dont les noms plus ou moins aguicheurs lui faisaient envie. Ou qu'il était à peu près capable de savoir cuisiner. Il y avait donc, dans le désordre, du shampoing bas de gamme, un pack de six bières, une boîte d'oeufs et du pain de mie. En clair, pas grand chose à manger.
Il ne savait pas exactement faire la cuisine, et n'était pas naturellement doté de cet instinct de survie qui consistait à se nourrir équilibré. De toutes façons, lui et les rares personnes qui le connaissaient bien savaient très pertinemment que les oeufs finiraient complètement pourris dans son frigo, le pain serait donné aux oiseaux, et seule la bière aurait un sort un peu plus enviable en finissant directement au fond de son estomac. Pourquoi était-il venu à l'épicerie déjà? Des chips, peut-être, songea t-il en glissant un paquet au hasard, venant s'aplatir mollement avec le reste de ses petites courses. Les cheveux en bataille, et l'air quelque peu hagard de l'individu travaillant de nuit qu'il était, le jeune homme n'avait plus très bien les yeux en face des trous. Travailler de nuit à la station service n'était pas le job le plus érintant du monde, mais Adrian était un individu qui avait besoin d'action, et lire des magasines en attendant les trois clients potentiels de la nuitée n'était pas exactement le synonyme "d'activité" qu'il attendait.
En clair, il se serait bien tiré de Jericho si seulement il avait eu l'argent qu'il y était venu chercher. Hélas, ça n'était pas le cas.
Marrant, tout de même de se dire qu'avec des goûts si peu compliqués, il n'aurait sans doute pas fait de folies avec le contenu du sac que possédait toujours A.J.
Se dirigeant vers la caisse, il s'apprétait à payer ses achats et à retourner dans la chambre qu'il louait dans la maison d'une vieil dame (Madame Anderson, de son patronyme), lorsqu'il aperçu un petit stand contenant une foultitude de paquets de cigarettes. C'était pour ça qu'il s'était déplacé jusqu'à la supérette, qui vendait la nicotine beaucoup moins chère que là où le jeune homme bossait.
Alors qu'il se réapprovisonnait donc en Davidoff (cinq paquets ajouté au piètre contenu de ses courses, lequel aurait sans doute effrayé la plupart des habitants de cette petite ville tranquille), Adrian aperçu quelque chose sur le sol : un petit porte-feuille rouge qu'il hésita à ramasser durant quelques secondes. Regardant autour de lui en attendant que le ou la propriétaire ne se manifeste, il ressentit dans sa poitrine le sentiment de culpabilité qu'il avait eu lorsqu'il avait dévalisé la banque. Bien entendu, ça n'était absolument pas du même acabit, mais imaginez un seul instant que quelqu'un l'accuse d'avoir volé ce porte-feuille, et on le retrouverait très rapidement rattaché à l'affaire qu'il essayait d'éviter depuis quelques semaines. "
Les malfaiteurs de Phoenix, toujours en fuite", tel avait été le titre en première page du journal qu'il avait attrapé la veille. Inutile de dire que ça lui avait fait un choc, et qu'il s'était senti à nouveau plus traqué que jamais. S'enterrer dans une ville aussi petite que Jericho était sans doute la seule solution : qui viendrait le chercher dans une ville miniature dans laquelle sévissait, en plus, un tueur en série?
Il se leva avec le panier dans une main et le portefeuille de l'autre, et s'apprêta à aller le donner à l'une des hôtesses de caisse, lorsqu'une jeune femme manqua de lui rentrer dedans, trop occupée à regarder le sol... La retenant de la main qui tenait le porte monnaie, il ne fut pas long à comprendre pourquoi son visage paraissait aussi inquiet, et demanda alors en lui montrant le porte feuille :
C'est à vous?